Juste pour eux

Juste pour eux

Nous n’avons pas le droit de fermer les yeux sur les violences sexuelles à l’égard des enfants !

 

Selon tableau de bord statistique 2018 des infractions impliquant les mineur(e)s et les femmes pendant la phase de l’enquête policière, les crimes et délits contre la famille et les bonnes mœurs ont connu une hausse de 69% par rapport à 2017. Les violences sexuelles, notamment le viol a connu une hausse de 221% de 2015 à 2018, représentant ainsi 31% des infractions enregistrées en 2018 (plus de 10 000 infractions). Les violences sexuelles deviennent récurrentes au Burkina Faso, ce qui est inquiétant.

 

De mon expérience professionnelle et personnelle ; je rencontre parfois des personnes qui remettent en cause les droits d’autres personnes à jouir de certains droits. Parfois on apprécie une situation en fonction de soi, et lorsqu’on n’est pas directement concerné, tout va bien. Mais comme dit le dicton : « ça n’arrive pas qu’aux autres » et ceci est une réalité quasi universelle.

 

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Il y’a quelques mois une de mes proches a été violée. J’ai cru que le ciel nous tombait sur la tête, nous avons été anéantis. Mais nous nous sommes relevés pour accompagner la victime, nous l’avons consolée et rassurée. Nous essayons actuellement de nous rassurer que l’auteur n’aurait pas l’occasion de sitôt de faire subir une telle cruauté à d’autres jeunes filles. C’est une affaire qui fera l’objet d’un prochain billet lorsque la procédure judiciaire sera terminée.

 

Mais ce que je retiens aujourd’hui de cette expérience c’est que :

  • Aucun enfant n’est à l’abri d’agressions sexuelles. Nous devons faire attention à nos enfants. Les choses ne dépendent pas uniquement de nous, mais nous devons faire notre part du mieux possible.
  • Au Burkina Faso, les frais médicaux en vue de l’obtention d’un certificat médical sont onéreux et à la charge de la victime et de sa famille (le certificat médical coute 15 000 CFA (CMA de Bogodogo à Ouagadougou) et son obtention est soumise à une série d’examens payants. Seules quelques prises en charge, notamment celle liée à l’infection au VIH-SIDA, sont gratuites.
  • Les agressions sexuelles touchent aussi bien des petites filles que des petits garçons
  • Les auteurs sont très souvent des proches, des membres de la famille, des ascendants, ou le voisinage proche
  • Les procédures judiciaires sont parfois longues et fastidieuses
  • La pression sociale pèse toujours sur les victimes et leurs familles (négociations ou intimidations pour une résolution à l’amiable ou le retrait des plaintes, culpabilisation et marginalisation des victimes, banalisation des faits)
  • Les victimes peuvent garder les traumatismes (physiques, psychologiques) y relatifs à vie
  • On n’est jamais assez préparé.e pour faire face à une telle tragédie (j’ai documenté et travaille sur les violences basées sur le genre y compris les violences sexuelles depuis quelques années maintenant, mais face à la situation, j’ai mis du temps à me reprendre et à la gérer)

 

L’actualité récente dans notre pays et dans la sous-région (notamment en Côte d’Ivoire avec l’affaire de la chaine de télévision NCI et celle du père qui a violé cinq de ses enfants dont l’âge est compris entre 13 et 03 ans) ces dernières semaines donnent l’occasion aux organisations de défense des droits des femmes et de l’enfant d’intensifier la sensibilisation et le plaidoyer visant à renforcer les mesures de prévention et de protection des filles et des femmes contre les violences sexuelles et l’abandon de la culture du viol (facilitation des procédures médicales et judiciaires relatives aux agressions sexuelles, en particulier le viol, le changement de comportement  et des normes sociales préjudiciables aux filles et aux femmes.) 

 

Pour prévenir et protéger nos enfants des agressions semelles, plusieurs méthodes sont expérimentées en fonction de chaque contexte :

  • La première des choses pour moi consiste à éduquer nos filles et nos garçons de manière égalitaire sur les valeurs du respect, de la solidarité et du travail. Cela renforcera le respect de l’un-e pour l’autre, une bonne base pour un futur plus égalitaire.

 

  • Ensuite éduquer/sensibiliser encore et toujours nos tout-petits à reconnaitre et dénoncer les actes déplacés (attouchements, incitations à regarder sa nudité ou celle d’autrui, caresses, cadeaux…) dont ils font l’objet et qui sont des abus sexuels.

 

Dans mes recherches, j’ai lu beaucoup d’articles scientifiques en ligne mais également des blogs sur la manière dont nous pouvons protéger nos enfants des agressions sexuelles. J’ai particulièrement apprécié le travail fait par le Conseil de l’Europe qui a développé des outils de sensibilisation audio-visuels adaptés au contexte européens. Ces outils peuvent être adaptés à différents contextes y compris africains. Nous gagnerons à les regarder et voir chacun-e à notre niveau comment l’utiliser avec nos enfants.  Je suis également ouverte au partage d’autres outils adaptés à Afrique et aux réalités culturelles de nos pays. 

 

J’ai également apprécié l’expérience de certains pays comme le Kenya ou l’Inde qui initient des jeunes filles et garçons aux cours de self-defense pour apprendre à mieux se défendre en cas d’agression. Mais pour l’amour de Dieu éduquons nos garçons et nos filles à se respecter mutuellement. Car en réalité, personne ne devrait être contrainte à apprendre à « boxer » l’autre pour qu’il/elle respecte ses droits, même si en définitif les arts martiaux vont au-delà du combat.

 

Protéger les enfants des agressions sexuelles suppose qu’on leur parle de sexe. Un sujet tabou dans notre contexte qui crée en réalité plus de dommages que de biens à nos enfants. Pourtant il est bien possible de parler de sexe à l’enfant dans un langage qui lui est accessible. Il s’agit en fait de l’outiller à prendre les meilleures décisions ou d'avoir de bons réflexes pour sa vie. Mais il s’agit aussi en amont d’avoir/d’établir une relation de confiance avec nos enfants de sorte à faciliter la communication parents-enfants et préserver la volonté de l’enfant de partager ses craintes, ses peurs, ses appréhensions, mais aussi ses joies, ses prouesses et ses espérances avec ses parents. 

 

Je pense que chaque enfant étant unique, chaque parent devrait trouver la façon de mettre en confiance son enfant. Par exemple j’évite de réprimander systématiquement mes enfants chaque fois qu’ils font ou me confient leurs bêtises. Je garde permanemment en tête que ce sont des petits êtres humains qui ont besoin de se construire dans la bienvaillance, qui doivent faire des erreurs, en tirer les leçons mais qui doivent s’exprimer sur ce qui les concerne, mais qui finalement feront généralement comme nous ! (donnons donc l’exemple que nous souhaitons inculquer à nos enfants).

 

En matière d’agression sexuelle notamment des viols sur mineurs, dans notre contexte, on pense parfois protéger la victime en gardant le silence face à son sort, on l’expose moins se dit-on, on protège sa réputation. Mais en fait, on protège surtout la réputation du pédovioleur, pire on lui donne l’opportunité d’inoculer son poison à d’autres victimes. On expose en fait d’autres enfants !!!

 

Nous n’avons pas le droit de fermer les yeux sur les violences sexuelles à l’égard des enfants !

 

L’Etat a l’obligation de mettre fin aux abus sexuels à l’égard des enfants. Pour ce qui concerne le Burkina Faso qui a ratifié la Convention relative aux droits de l’enfant, l’article 19 engage l'Etats à prendre toutes les mesures législatives, administratives, sociales et éducatives appropriées pour protéger l’enfant contre toute forme de violence (…) pendant que l’article 34 l'engage à protéger tous les enfants contre toutes les formes d’exploitation sexuelle et de violence sexuelle.

 

Individuellement, nous avons notre part à faire pour l’édification d’un monde digne des enfants !

 

 

 



15/09/2021
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